Parlant de sa Biographie biblique de l’apôtre Paul, Gustave Moynier témoigne de son prosélytisme à son ami et théologien Auguste Bouvier :
“J’en ai offert un avec succès au curé de Loëche qui en a été ravi ; ça va le rajeunir un peu, car je n’ai pas vu un seul livre moderne dans sa bibliothèque. Il est vrai que le mien ne l’est guère par son contenu, mais les apparences le sauvent”.
Lettre écrite à Loëche-les-Bains, 19 août 1859 ; BGE Ms fr. 4801, fos 246v-247r.
“Que l’antiquité n’ait rien de pareil à nous offrir, quoi de surprenant ? L’antiquité n’était pas chrétienne, et la Croix-Rouge est un fruit du christianisme. C’est la morale de l’Evangile qui, à mesure qu’elle a pénétré plus profondément les peuples, les a façonnonnés davantage au sacrifice. C’est elle qui, après avoir inspiré aux hommes une pitié active pour leurs semblables dans l’angoisse, a fini, après bien des siècles de résistance, par obtenir d’eux qu’ils pratiquent en masse ce qui est le comble de la vertu : l’amour de leurs ennemis.La Croix-Rouge, certes, a bien mérité de l’humanité, en complétant le service sanitaire des années, et en donnant un élan vigoureux à toutes les améliorations qui se rattachent au sort des victimes de la guerre, elle a contribué de la sorte à adoucir beaucoup de souffrances physiques.
Toutefois, le progrès matériel qu’elle a produit est peu de chose, en comparaison du progrès, autrement fécond, dont elle a été l’instrument dans le domaine moral. Elle est la manifestation la plus éclatante de cet esprit de fraternité qui semble appelé, dans les desseins de Dieu, à régénérer l’espèce humaine, et qui relève autant de la justice que de la charité. La brèche qu’elle a faite à l’égoïsme des nations est irréparable, et les conséquences de cette victoire sont infinies. Peu à peu, toutes les relations sociales, si souvent entachées d’animosité et de haine, devront se ressentir de cette infusion d’un sang nouveau dans les veines des races civilisées.
Par ces perspectives lointaines, comme par ses effets immédiats, la Croix-Rouge a donc des titres impérissables à la gratitude des malheureux. Aussi le sol qui l’a vu naître en est-il fier, et n’est-ce jamais sans une patriotique émotion que, sur les bords du Léman, on entend parler du signe tutélaire souvent appelé ‘la Croix de Genève’”
La Croix-Rouge, son passé et son avenir, Genève, 1882, page 288.
Cité par Jean de Senarclens, Gustave Moynier, le bâtisseur, pages 267-268.